Le dimanche 8 décembre, la chaîne de télévision officielle annonçait une nouvelle inattendue : l’opposition syrienne avait pris le contrôle de Damas et renversé le régime de Bachar Al-Assad. Cette chute, aussi rapide qu’imprévisible, a suscité une avalanche d’interprétations. Si certains célèbrent la fin d’un régime dictatorial implacable, d’autres dénoncent le repositionnement stratégique d’anciens terroristes, désormais salués par une partie de la communauté internationale.
Mais ce tumulte d’analyses et de prises de position masque l’essentiel, la voix du peuple syrien. Fragmenté par des années de guerre et d’oppression, et marqué par une mosaïque ethnique et religieuse complexe, ce peuple ne réagit pas à l’unisson. Les sentiments oscillent entre l’espoir, la méfiance, une profonde inquiétude, le désarroi, et parfois même l’appel à l’exil, face à un avenir incertain.
Dans ce contexte, la Tunisie, fidèle à ses principes diplomatiques, a adopté une posture mesurée. Par le biais d’une déclaration officielle du ministère des Affaires étrangères, elle a réaffirmé son rejet de toute ingérence dans les affaires internes du pays. Appelant à l’unité nationale et à la préservation des intérêts supérieurs de la Syrie, notre pays a plaidé pour une transition politique pacifique. L’objectif est de garantir la continuité de l’État syrien tout en répondant aux aspirations légitimes de son peuple souverain.
La Tunisie a également rappelé une distinction fondamentale : un État ne se confond pas avec son régime politique. C’est au peuple syrien, et à lui seul, qu’il revient de décider de son avenir, loin des ingérences étrangères.
Cependant, cette situation résonne douloureusement en Tunisie. Notre pays, qui, après avoir rayonné par son modèle progressiste et inspiré les réformes dans le monde arabe, s’est retrouvé montré du doigt. Parmi les « exports » tunisiens très controversés, les centaines de « combattants » envoyés dans des foyers de conflits, notamment en Syrie.
Ces jeunes, souvent désœuvrés, ont été séduits par des promesses fallacieuses d’une gloire terrestre et divine, et d’un paradis éternel. Étrangers aux réalités syriennes, ils ont rejoint une guerre qui n’était pas la leur, semant la mort et la désolation dans des terres étrangères, et suscitant l’embarras, pour ne pas dire la honte, chez nous autres Tunisiens.
Aujourd’hui, un défi de taille se pose ; ces individus souhaitent revenir. Or, leur réintégration dans le tissu social tunisien ne peut être ni rapide ni improvisée. Une vigilance absolue est de mise. Leur retour doit s’accompagner d’un processus rigoureux de déradicalisation, mené par des professionnels qualifiés ; psychologues, travailleurs sociaux et experts en sécurité. Ce travail, minutieux et patient, doit être effectué au cas par cas, à l’écart des familles et de la société, afin de distinguer les véritables repentis des manipulateurs résolus à raviver la haine et la discorde au sein de la structure sociale et du pays dans son ensemble.
La Tunisie ne peut se permettre de revivre les années noires du terrorisme, cette époque où le sang et la peur avaient paralysé le pays. Aujourd’hui, le message est clair : la sécurité et la stabilité nationales priment sur tout autre considération.